Cezanne fera de la montagne Sainte-Victoire son motif de prédilection. Il réalisera une série de plus de 44 toiles et 40 aquarelles ! Elle apparaît pour la première fois en 1870 et est peinte depuis le Jas du Bouffan mais elle reste discrète, elle n’est qu’une silhouette au fond de la toile. La Montagne Sainte-Victoire, vue du Chemin de Valcros, de 1878-1879 est l’un des premiers tableaux représentant la Montagne Sacrée. C’est à la fin des années 1870 que Cezanne met en place ses motifs de prédilections et donc Sainte-Victoire.
Au premier plan se détache un chemin ocre. Ce chemin qu’emprunte l’artiste lorsqu’il se rend sur le motif. L’ocre est l’une des couleurs caractéristiques de la palette cézanienne. L’ocre c’est la couleur de la terre rouge que l’on retrouve sur la montagne et les paysages alentours. A cette couleur s’oppose un ciel bleu, mais pas tout à fait bleu. Le bleu est modulé par des touches de jaune et de vert qui rappellent le ciel vibrant des impressionnistes comme Renoir. La plaine est construite en facettes horizontales, des zones vertes et des zones ocres s’alternent, l’herbe et la terre. Ces bandes horizontales sont contrebalancées par les lignes verticales de la petite construction humaine. Jamais ou presque jamais la présence humaine n’est figurée en propre, de manière à éviter l’anecdote, elle apparaît donc par le biais de ces petites constructions verticales qui prennent la forme de maisons simplifiées. Une volonté de simplification des formes et des lignes qui pourrait annoncer d’ores et déjà le cubisme à la fin des années 1870. Au fond la vue Ouest de Sainte-Victoire, avec des tons bleutés, froids, et des touches obliques, contraste avec le reste.
« Cezannne, notre père à tous », Picasso
Dans ses toiles, Cezanne s’oppose à la réduction de la profondeur de la vision à la surface du tableau. Il crée une impression d’ordre en présentant un champ de couleurs uniformisé par la répétition des motifs dont les teintes sont alternativement froides et chaudes. Au fil des années, la montagne révèle une influence quasi cubiste avec des touches de couleurs géométriques (La Montagne Sainte-Victoire, vue des Lauves). Elle est déstructurée par le biais de ces touches et est à peine esquissée (ton sur ton avec le ciel). Cette dématérialisation de la montagne lui donne une impression de légèreté. Sainte-Victoire est le motif « compositionnel » de ces toiles et c’est d’ailleurs souvent le seul élément vertical des œuvres de Cezanne.