Chaque jeudi matin à 7h15, retrouvez Jérôme, Arthur ou Mylène pour un nouvel épisode de Secrets de Provence sur BFM TV Marseille. Aujourd’hui 2 mars, Jérôme vous parle du plus vieil immeuble de Marseille.
Bonjour, Je vais vous parler aujourd’hui du plus vieil immeuble de Marseille, l’hôtel de Cabre, dit aussi hôtel échevin de Cabre.
Les origines de l’hôtel de Cabre
La demeure est construite vers 1535 aux abords du Vieux-Port, sur la commande du Consul Louis de Cabre, notable influent de la ville. Cette maison de 3 étages est d’un style qui emprunte à l’art gothique et à la Renaissance (Son architecte resté inconnu a réalisé une œuvre très sculptée de style Renaissance, marquée par de fortes réminiscences gothiques de la fin du moyen âge.). L’effigie du propriétaire et de son épouse se trouvent sur la façade du premier étage ainsi que des amours chérubins et la statue de Saint Jacques, en référence à Jacques de Cabre, père de Louis de Cabre. L’Hôtel traverse plusieurs siècles sans trop de dégradations, cependant durant la révolution, les révolutionnaires détruisent les armoiries à fleurs de lys qui ornent la demeure. 150 ans plus tard, les 22, 23 et 24 janvier 1943 se déroule la terrible rafle de Marseille sur le Vieux-Port.
La rafle de Marseille
À la suite de l’invasion allemande de la zone libre (opération Anton), les troupes allemandes occupent Marseille depuis le 12 novembre 1942. Plusieurs attentats touchent les forces allemandes, dont deux attentats le 3 janvier 1943 tuant des officiers et soldats allemands. Des opérations de représailles sont décidées par l’autorité allemande, et confirmées par la directive secrète de Heinrich Himmler du 18 janvier 1943 imposant : L’arrestation des criminels de Marseille et leur déportation vers l’Allemagne, avec « un chiffre rond de 100 000 personnes environ ».
Entre le 22 et le 24 janvier, 30 000 personnes habitant les vieux quartiers sont expulsées de leur maison. Maison par maison, Le Vieux Port est complètement bouclé, des dizaines de contrôles sont effectués, 2000 marseillais déportés.
Plus de 1 500 immeubles sont ensuite dynamités, laissant un vaste champ de ruines. Les ordres d’Hitler étaient stricts, il fallait « raser le Vieux Port ». Fort heureusement le périmètre détruit sera inférieur à celui initialement fixé par les allemands. La démolition commença le 1er février et se poursuivit jusqu’au 19 du mois.
Et l’hôtel de Cabre était situé en plein dans ce quartier ?
La demeure a bien failli disparaître à cette occasion. Elle n’échappa à la démolition que sur l’insistance des autorités municipales qui l’avaient faite classée monument historique en avril 1941. En 1943, on avait tant bien que mal protégé sa façade mais le dynamitage méthodique des 1500 immeubles alentour avait ébranlé ses structures et endommagé sa façade grossièrement protégée. Sa toiture et sa loggia au dernier niveau avaient été retirées.
Le déplacement de l’Hôtel de Cabre
Ce rescapé de la guerre a connu en 1954 une péripétie singulière qui l’a fait entrer dans la légende : son déplacement de 20 mètres et sa rotation de 90 degrés car dans le plan de 1952 de reconstruction du vieux port, il se trouvait dans le périmètre de la Grand’ Rue élargie. On envisagea de le démonter et de le rebâtir plus loin mais cela aurait occasionné des dommages irréversibles. C’est le déplacement qui fut choisit « après 4 siècles pour laisser passer les voitures », écrit le Provençal.
« 120 millimètres à la minute »
Comment bouger un mastodonte de près de 700 tonnes ? Après de longues études préparatoires du ministère de l’urbanisme et de la reconstruction avec les services de l’urbanisme de la Ville, les travaux débutèrent le 28 mai 1954 confiés principalement à l’entreprise danoise spécialisée Christiani & Nielsen qui avait déjà déplacé des tours de cracking à la raffinerie de Lavéra. Des fondations, une cave et un socle en béton furent construits sur le nouvel emplacement distant de 20 mètres à l’angle actuel de la Grand’ Rue et de l’actuelle rue Bonneterie (ex-rue Torte) tandis que les baies de l’hôtel étaient comblées avec des briques.
Du 15 juillet au 15 août, on posa des rails et on construisit quatre chariots porteurs, sorte de brancard sur roues pour faire glisser l’immeuble.
Le 10 septembre, quatre vérins hydrauliques alimentés par un petit moteur de 4CV soulevèrent délicatement l’ensemble de 670 tonnes posé sur 8 poutres en acier.
Et le voyage de plusieurs jours commença. « 120 millimètres à la minute ! » ironisa La Marseillaise dans son édition du 11 septembre aux premières loges devant une « foule attentive » rassemblée pour voir passer le convoi « à la vitesse de l’escargot ». « Monté sur des roues, l’hôtel a pris la route » écrivit le Provençal. « L’Hôtel de l’Echevin de Cabre a parcouru hier 6m60 ! » titra notre quotidien dans l’attente impatiente du « mouvement giratoire » de 90 degrés destiné à présenter sa façade sous un meilleur angle de vue.
Les derniers 6 mètres allaient être filmés par les caméras de télévision. Le 16 septembre, l’Hôtel de Cabre arrivait enfin à destination. Restait encore à caler l’ensemble avec ses nouvelles maçonneries puis à restaurer ses façades. Le 18 septembre tout était achevé.
Et aujourd’hui ?
Le bâtiment a été remanié et présente aujourd’hui des commerces au rez-de-chaussée et des appartements aux étages supérieurs. On peut toujours lire l’inscription « Rue Bonneterie » sur la façade située maintenant sur la Grande Rue.
Durant l’été 2021, l’hôtel était à vendre via une annonce pour 1,2 million d’euros. L’Hôtel de Cabre qui nécessite un ravalement bénéficie cependant d’un nouvel écrin avec le réaménagement urbanistique de la Grand Rue depuis 2021.
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